II / Le coaching est-il un phénomène de mode?

Le coaching est à la mode, c’est une évidence.  En effet, c’est un métier récemment apparu mais qui est toutefois le centre d’un matraquage médiatique sans précédent, à tel point qu’aujourd’hui les médias le décrédibilisent. De plus, nous mettrons également en évidence son manque de régulation et les risques qui s’en découlent.


A/ Engouement


1) Développement récent

            Comme nous l’avons vu précédemment, le coaching de vie a des origines anciennes, mais le métier d’accompagnement individuel en tant que tel n’existe que depuis quelques années. En effet, après les sportifs, ce sont les artistes, surtout les chanteurs, acteurs et comédiens renommés, qui ont adopté les méthodes du coaching en engageant un coach pour parfaire tout d’abord leur art, mais aussi pour les motiver, surmonter les périodes difficiles telles que le doute, le stress, le manque de confiance en soi ou la maîtrise de son image.

            C’est ensuite aux Etats-Unis, en Californie, vers le milieu des années 1980, que le monde des affaires a commencé à s’intéresser au coaching avec l’« executive coaching ». Effectivement, vu les succès qu’obtenaient les coachs sportifs dans leur domaine, des entrepreneurs, chefs d’entreprise et hommes d’affaires ont cherché des moyens pour augmenter le chiffre d’affaire de leurs firmes et la performance de leurs subordonnés. C’est ainsi que le coaching est arrivé progressivement dans le domaine de l’entreprise où la concurrence est tout aussi vive que dans celui du sport. Assez rapidement, les commanditaires du coaching ont fait les mêmes constats que les coachs sportifs des années 1950 : on ne peut séparer la personne de sa performance. Ils ont ainsi dû ajuster leurs attentes : faire que le coaché augmente sa productivité ne devait plus être la visée du coaching, mais sa conséquence. Il s’agit alors d’accompagner le salarié vers ce qui fait sens pour lui, et pas vers ce qui fait avancer l’entreprise, à savoir la production indifférente au coût sur le plan humain.
Le « coaching d’entreprise » est importé en France à la fin des années 1980 par des consultants en organisation exerçant également dans les domaines de la psychologie et de la psychothérapie. L’un d’eux,  Vincent Lenhardt, est considéré comme le précurseur du coaching en France. Son interview, publiée sous le titre « Les managers ont besoin d’un coach ! » dans le magazine Challenges en septembre 1988 est d’ailleurs le premier article sur le coaching en France.
           
Cependant, il faut attendre le milieu des années 1990 pour que le coaching acquière une visibilité en tant qu’activité à part entière dans le milieu du conseil en management français. Effectivement, les premières formations au coaching apparaissent après 1995 et le coaching se fait connaître dans la presse généraliste à la fin des années 1990. Sa couverture médiatique explose littéralement au début des années 2000. La demande de coaching en entreprise se développe et s’affiche au même moment.
        
Un élargissement de la demande est observé aujourd’hui. Le coaching n’est pas l’apanage de l'entreprise, il s’est également développé dans  le champ des problèmes personnels par  le « life coaching ». Des particuliers y ont recours,  ainsi que les professions libérales telles que les avocats, médecins, architectes, artistes, artisans et créateurs. Toutes les populations et tous les âges sont représentés.


2) Médiatisation
La popularité du coaching a tellement pris d’importance qu’on le trouve dans tous les médias. Que ce soit à la télévision, à la radio, au cinéma ou bien dans la presse, on trouve des coachs qui agissent dans tous les domaines. Aujourd’hui, il ne se passe pas une semaine sans que la presse ne parle de coaching. Une simple recherche Internet sur le mot "coaching" aboutit à plusieurs centaines de réponses plus ou moins concrètes, et c’est bien là le problème de l’engouement porté au coaching. Les médias déforment souvent sa position originale et, autour d’un matraquage médiatique, lui ôtent sa crédibilité.

            Les premiers à médiatiser les coachs ont été les émissions américaines, offrant des programmes sur la décoration, la cuisine, les travaux, les rencontres, la gestion sociale d’une famille ou la gestion de son argent. Les chaînes françaises ont dupliqué le modèle avec des « supers coachs » permettant de se former et d’apprendre à mieux vivre, mieux acheter, mieux décorer ou mieux vendre son logement. Le coach financier nous apprend même à économiser et à mieux épargner afin de réaliser des projets personnels comme devenir propriétaire ou acheter une voiture neuve. Le milieu cinématographique a ensuite suivit la vague de popularité, avec entre autre Hitch - Expert en séduction,  film américain sorti en 2005 puis  Le Coach, production française de 2008, tous deux relatant le coaching d'un homme.



Même si cette médiatisation a permis au coaching de se faire connaître rapidement et a assuré son expansion commerciale, celle-ci l’a aussi lourdement désavantagé en lui donnant une connotation souvent négative. En effet, on l’utilise pour tout sans tenir compte de sa réelle signification. Ainsi, on voit apparaître à la télévision des coachs imposant leurs goûts vestimentaires et  décoratifs, comme dans les émissions Nouveau Look pour une nouvelle vie et Déco  sur M6, ou des anonymes devenir des célébrités en quelques mois grâce aux coachs livrés sur un plateau comme l’émission Star Academy  sur TF1. On peut également voir d’autres coachs rabaissant et  dévalorisant les individus, utilisant une méthode brutale et bousculant tout le système déjà instauré en donnant ses solutions sans discussions, comme dans l’émission Cauchemar en Cuisine, diffusé sur W9, alors que la déontologie du coach refuse cette méthode. Ces différents exemples sont des parfaits exemples de pratiques qui ne sont pas en adéquation avec l’idéologie réelle du coaching. En réalité, l’utilisation du mot s’est généralisée à toutes sortes de pratique et la définition que lui donne l’opinion publique ne correspond pas réellement aux termes utilisés par les professionnels. 

            De plus, cette « publicité gratuite » attise la multiplication des coachs, entraînant de plus en plus de difficultés pour eux à rester sur le marché du travail, et conduit à la «loi de la jungle ». Effectivement, pour se faire une place, certains coachs n’ont aucune conscience professionnelle et s’improvisent coachs pour l’appât du gain. C’est le cas par exemple de beaucoup de coachs personnels qui se disent coachs pour pallier à un manque de diplômes ou de formations. Nous pouvons ainsi trouver des personnes ayant échoué lors des examens pour devenir professeurs de sport s’improviser coachs sportifs.


B)  Un métier peu réglementé qui engendre des risques
           

1) Des formations non réglementées


En effet, les coachs sont loin d'avoir tous une formation psychologique digne de ce nom. La plupart d'entre eux sont issus des écoles de commerce ou sont d'anciens dirigeants d'entreprise. Comme dans toutes les professions mal règlementées, les charlatans sont nombreux à pouvoir escroquer leurs clients. Ils fixent leurs propres prix et décident de la valeur de leur travail.
«Life coach» étant une appellation non-contrôlée, n’importe qui peut s’autoproclamer coach de vie, sans avoir forcément suivi de formation spécialisée. Les coachs sont formés dans toutes sortes d’écoles, plus ou moins fiables, ce qui donne lieu à des dérives. A ce jour, il n'y a pas de diplômes reconnus par l'Etat, en revanche les certificats délivrés par les écoles de coaching ont une valeur juridique.
Il faut donc s’assurer que le spécialiste ait suivi une formation solide, la pratique de la psychothérapie étant vivement recommandée. Et s’il est membre d’une fédération professionnelle c’est encore mieux. Actuellement, des démarches auprès des pouvoirs publics s'organisent pour qu'une réflexion s'engage sur la réglementation de ce métier.
Par leur expérience, les directeurs des ressources humaines ont pu établir trois profils de coach différents.
Tout d’abord la figure du « bandit masqué », c’est-à-dire du consultant ou du formateur qui vend depuis 10 ans de la Programmation Neuro-Linguistique ou de l’Analyse Transactionnelle et qui, dans un sursaut de marketing, redésigne discrètement son catalogue de prestations en y ajoutant la mention de coaching.   Dans ce cas, le coach fait en quelques sortes « du neuf avec du vieux », sans suivre une reformation.
Puis la figure dite de « l’Apprenti-Sorcier », c’est-à-dire du « professionnel non professionnel » qui rentre sur le terrain du métier de coach sans véritablement en maîtriser l’art et les techniques. Ce qui est problématique, c’est que nous sommes dans ce cas dans une usurpation et un abus de pouvoir.
Enfin la figure de l’expert, c’est-à-dire du consultant, du formateur ou du psychologue, qui est au bénéfice de cinq qualités. La première, une histoire et une expérience de vie suffisamment riche ayant comporté des échecs personnels. La deuxième, une formation initiale, solide et diplomate, ayant un point de vue construit sur le monde. La troisième, une expérience concrète du monde de l’entreprise, une connaissance fine du contexte dans lequel évoluent les coachés. La quatrième, une reconnaissance affichée par ses pairs, par ses collèges, précédée d’une formation ininterrompue et exigeante au métier de coach. Enfin, la cinquième, une expérience concrète d’au moins cinq ans en coaching, donc une certaine maturité.
Afin de mieux réglementer ce métier il y a, depuis une dizaine d’années, une normalisation des écoles de coaching. Ces écoles proposent une formation à durée variée et à divers prix. Il est aussi possible de se faire coacher par des professionnels reconvertis de toutes formations confondues. Il est de ce fait difficile de trouver un coach réellement formé, qui saura répondre au mieux aux besoins du sujet. L’ouverture de nombreuses écoles ne peut donc certifier l’authenticité et la valeur nationale de chaque diplôme et, de ce fait, certifier des compétences réelles du formé en tant que coach.
A ce jour, il existe cependant deux associations ayant instauré un contrôle de qualité pour les cursus de formation au métier de coach.
La première, l’EMCC, European Mentoring and Coach Conseil, qui a créé une accréditation,  l’European Quality Award.
L’autre, l’IFC, International Coaching Fédération qui a mis en place un certificat.

 2) Des risques pour le coaché

Les coachs personnels, tout comme les psychologues, peuvent avoir une grande influence sur leurs clients. Or, les coachs n'ont pas de comptes à rendre au public en cas d'erreur puisqu'ils ne sont pas, contrairement aux psychologues, regroupés au sein d'un ordre professionnel. Il est donc impossible d’avoir un droit de regard sur leur comportement, contrairement aux psychologues qui peuvent-être sanctionnés en cas de faute.
C’est pourquoi, d’autres problèmes particuliers se posent notamment dans le cas d’un coaching tripartite entre le prestataire, c’est-à-dire le coach, le bénéficiaire, c’est-à-dire le coaché, et le payeur, c’est-à-dire l’entreprise. En effet, il  peut arriver que les objectifs du coaché et ceux de l’entreprise ne coïncident pas. De plus, ce système pose aussi un problème de confidentialité. Effectivement lors d’une séance,  le coaché livre souvent des informations très personnelles sur sa personne ou des informations critiques sur ses collègues ou son organisation ; or, la personne coaché n’étant pas le payeur, ces révélations peuvent être utilisées contre elle si elles ne sont pas gardées confidentielles.
En outre, le coaching peut en théorie présenter un risque de manipulation du coaché, comme dans toute relation ou message entre des individus. C’est le cas des sectes qui, pour attirer de nouveaux adeptes, utilisent les termes de «formation» ou de «coaching»  qui, en réalité, s’avèrent être de véritables « lavages de cerveaux » et « bourrages de crâne », afin que les individus, conditionnés, adhèrent à leurs croyances.
Cependant, ces risques peuvent être limités en définissant au préalable un contrat strict entre le coach et le coaché.


3)  Des risques pour la société

Le coaching peut également représenter des risques pour la société. En effet, on considère aujourd’hui  banal le fait même que l’entreprise s’accorde naturellement le droit de s’interroger sur la capacité comportementale, les croyances, les attitudes préférentielles au travail, la personnalité, la capacité à rebondir, les compétences sociales, le talent de négociateur, de communicateur, de séducteur, l’esprit d’équipe, les échecs personnels, la capacité à gérer ses émotions, la persévérance, ainsi que l’enthousiasme de ses salariés. Le « soi » n’est plus uniquement à soi : il est devenu terrain de conquête de l’entreprise. Le coaching aggraverait alors le voyeurisme omniprésent dans notre société.
De plus, au pays des merveilles du coaching, fini les «états négatifs», comme la tristesse, la conscience du tragique ou le sentiment des limites de la condition humaine. A toujours rechercher la perfection, les individus risquent de perdre leur identité, leur spontanéité, leur sens critique, et la société de tomber dans le conformisme.